Petite histoire de l'agriculture!

Pour cette page, nous avons fait appel à un professeur d'ESC passionné d’art mais aussi d'agriculture!  Alors voici en quelques mots, une petite histoire de l'agriculture... version Didier Christophe.

Une histoire de l'agriculture dans l'art en moins de mille mots.

Premier épisode : il y a déjà fort longtemps...

La représentation de l'agriculture dans l'histoire de l'art ? Cela demanderait quelques centaines de pages. Mais on peut tenter d'en donner un résumé, à partir de quelques points marquants.
Depuis les origines, on a représenté les animaux ; mais vers -15.000 ou -10.000 ans, les humains n'avaient toujours pas maîtrisé l'élevage, ni les cultures fourragères, sinon nul doute que les bêtes encore sauvages (et qu'on devine effrayées par les chasseurs), à Lascaux, auraient eu de tout autres attitudes.
Puis dans l’Égypte antique, durant deux millénaires, on représenta l'agriculture dans des fresques, et aussi dans de petites sculptures de bois conservées dans les tombes : on y voit les carrés bien entretenus des jardins vivriers, les travaux des champs ou les troupeaux bovins. Le gavage des oiseaux d'élevage y est figuré et l'on s'étonne de leur variété, allant bien au-delà des oies et des canards, jusqu'aux pigeons et aux hérons.
Arrive l'art romain et gallo-romain, qui multiplie les fresques murales, les sols de mosaïque, les frises sculptées en bas-relief et les stèles funéraires glorifiant les labours, les semailles, les moissons, et montrant de complexes outils attelés que le Moyen Âge oubliera bientôt.
Dès avant l'an mil, les moines figurent dans leurs livres enluminés et sur les chapiteaux des églises les scènes de moissons et de vendanges, quand ce n'est pas le Bon Pasteur rapportant sa brebis perdue sur ses épaules : tout un ensemble de motifs qui symbolisent l'incarnation de Dieu sur terre.
À la fin de l'époque médiévale, la sécularisation progressive de la société amène Pol Limbourg et ses frères (les ancêtres de la BD belge !) à montrer, par exemple, une jolie scène de fenaison, avec des femmes en chapeau de paille et robe teinte au pastel. Tandis que Jean Colombe, qui terminera à la place des Limbourg l'illustration des Très Riches Heures du duc de Berry, mènera quelques années plus tard un porcher et ses truies à longues soies vers une prometteuse glandée.
Mais dans les mêmes décennies, la Renaissance arrive d'Italie, où Pietro Lorenzetti, à Sienne, peint l'agriculture comme une des clés du Bon Gouvernement, et où bientôt Paolo Uccello, à Florence, accumule les vues des jardins potagers péri-urbains dans ses multiples versions de Saint Georges et le Dragon.
Puis au fil des siècles, il devient difficile de tenir une comptabilité des peintres de l'agriculture.
Au XVIe siècle, par exemple, le Belge Peter Bruegel, dans sa Chute d'Icare, allie avec maestria thème mythologique, scène rurale contemporaine et évocation de proverbes flamands, dans une composition aussi complexe qu'une page de manga.
Au XVIIe, le Hollandais Paulus Potter s'émerveille devant le jeune taureau qu'un paysan lui présente au milieu de ses brebis et de ses vaches, sous l’œil attendri d'une grenouille qui admire comme nous le joli bovin – et là, clin d’œil à un conte bien connu !
Et voila que sous Louis XV, François Boucher, Charles Eisen et Jean-Honoré Fragonard vont mettre des rubans roses aux brebis pour les faire promener par de petites marquises qui ne pensent qu'aux jeux de l'amour. Bagatelles !

 
 
Deuxième épisode : depuis l'époque moderne...

Au cœur de la Révolution, le peintre François-André Vincent nous montre comment un père de famille bourgeoise doit d'enseigner à son fils à diriger l'attelage et le brabant, avec l'aide bienveillant de son fermier (c'est une des plus belles toiles du musée des beaux-arts de Bordeaux).
Puis autour de 1848, Jean-François Millet et Charles Jacque se prennent de passion pour les forêts, les troupeaux et les basses-cours des environs de Barbizon, tandis que Rosa Bonheur peint de belles scènes de travaux agricoles grâce auxquelles elle est la première femme artiste à recevoir la Légion d'honneur ; et Jules Breton travaille dans le même esprit, mais en s'inspirant de photographies.
Car arrive ce nouveau médium, la photographie, et son cortège de documentaristes qui immortalisent la vie rurale. Dans les années 1930, les plus éminents furent peut-être August Sander en Allemagne, et plus encore Marion Post Wolcott, Dorothea Lange et Russel Lee qui enquêtèrent pendant plusieurs années les ouvriers agricoles blancs, afroaméricains ou mexicains du Sud des États-Unis, à l'époque du New Deal.
Cependant au même moment, alors que le cubisme, l'abstraction et le surréalisme révolutionnent le monde des arts plastiques, quelques peintres restent fidèles à une figuration documentaire bien informée de la vie agraire, comme Arkady Plastov en Russie et Diego Rivera au Mexique. C'est le cas, dans ces États-Unis en pleine évolution que décrivent les romans de John Steinbeck, de tout un groupe de peintres intéressants, au premier rang desquels se placent Grant Wood, Merrit Mauzey, Ben Shahn, John Curry, Thomas Benton ou encore Alexandre Hogue. Plus près de nous, Ray Swanson a continué (jusqu'à sa mort en 2004) de peindre dans cet esprit la vie rurale des amérindiens, en développant dans un style hyperréaliste que pratiquait aussi Richard McLean dans ses vues de l'Amérique suburbaine et paysanne.
Plus proche de certaines œuvres de Ben Shahn qui fut aussi un des précurseurs du Pop Art, Henri Cueco représente en France une autre voie de la figuration abordant la campagne comme une thématique socio-politique.
Au relatif conservatisme de ces esthétiques picturales, on pourra préférer les travaux novateurs de quelques photographes qui ont documenté les évolutions des réalités rurales dans le dernier demi-siècle, depuis l'italien Mario Giacomelli jusqu'à Anne-Marie Filaire ou Gilles Saussier, sans pouvoir éviter Raymond Depardon.
Il reste à découvrir ce que l'art contemporain peut nous apporter de totalement neuf, selon que nos pensées et nos regards se tourneront vers l'agroécologie avec Nils-Udo, Erik Samakh ou Jean-Paul Ganem, ou bien vers les risques annoncés de l'agriculture transgénétique avec Eduardo Kac.
Voilà, on a fait le tour, avec en plus quelques images. Cela ne suffit pas ? Ce n'est pas grave… Quelle chance on a, aujourd'hui, de pouvoir retrouver les œuvres de ces artistes en quelques minutes de navigation sur Internet !

Didier Christophe, alias le docteur.





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